Publié le 09/10/12

 Ce pesage là, j’aurais voulu le faire exprès que je n’aurais pas pu, pourtant les chiffres sont là : 8 mois après mon by-pass, je pèse 88,8 kg j’ai perdu 61,2 kilos. Je rappelle mon talon comparatif : le pack de Heinekein ! Un pack de 6 bouteilles de 25cl pèse 2,5 kg, donc celui de 12 bouteilles 5 kg. . J’ai donc perdu 12 packs de 12. Si j’ai le temps, j’irai prendre ça en photo. 8 mois. C’est court, à l’échelle d’une vie, et pourtant, il s’est passé tellement de choses. Et à la veille de rencontrer mon chirurgien, il est de bon ton de faire un petit bilan, non ? De toute façon, c’est moi qui décide alors vous n’avez pas le choix. Non mais sans blague, c’est qui le patron dans ce blog !

Le bilan, donc. Tout d’abord physiologique. Perdre 60 kilos ne se résume pas à maigrir.

  • J’ai déjà parlé de la mauvaise absorption des aliments qui, en plus de la prise quotidienne de vitamines, me condamne à être régulièrement «malade», mais j’en ai fait mon affaire et il est rare que ça soit handicapant dans mes activités, même si ça peut encore m’arriver.
  • Beaucoup plus gênant avec la fin de l’été et le retour de la grisaille : une désagréable sensation de froid au niveau des mains. Pour schématiser, j’ai parfois l’impression d’avoir des glaçons à la place des doigts. C’est vraiment une sensation extrême, contre laquelle je ne peux pas grand chose. Par contre, je n’ai pas froid de manière générale, c’est vraiment localisé sur les mains.
  • Si je n’ai plus de douleurs dans le bas du dos, je dois tout de même faire de la rééducation posturale. Pendant des années, mon corps s’est mal tenu. Bon ok, pousser les mêlées et mettre la tête dans tous les ruck au rugby n’a pas arrangé les choses. Et autant je suis sportivement motivé pour faire de la course et du vélo, autant la musculation, même si c’est pour mieux me tenir, ça me gonfle.
  • J’ai très souvent faim et je suis obligé de faire 5 repas par jour : petit déjeuner / déjeuner / diner + 2 collations. Je mange à ma faim à tous les repas, j’ai d’ailleurs bien appréhendé la notion de satiété que je ne maitrisais pas du tout avant. Et c’est tant mieux, parce que la bouchée de trop, croyez moi, elle fait un mal de chien : imaginez avoir un oursin du poids d’une enclume dans le ventre. Oui, désagréable et très long à passer. J’évite donc.

Bon, on va pas se mentir, surtout qu’à la base, ce GROS journal n’est pas fait pour que je m’auto satisfasse, même si ça fait du bien, mais pour partager mon expérience avec les personnes qui sont intéressées par le thème de l’obésité et du bypass, ce qui n’a aucun rapport avec ce que je voulais exprimer en débutant ma phrase. Donc, on va pas se mentir disais-je avant d’être grossièrement interrompu par le gros con qui sommeille dans les méandres de mon cerveau (mais je rassure ma psy qui doit lire ces lignes, il va bien), le bilan purement physiologique ne fait pas forcément envie. Et pourtant…

Je dois rentrer encore un peu plus dans ma vie privée pour vous expliquer comment ce by-pass a changé ma vie. Je suis séparé de ma future ex-femme depuis le mois d’avril. Ce fut un choc et moi qui suis passé par une phase de lourde dépression il y a quelques années, au point de ne pas pouvoir me rendre au boulot à cause de malaises récurrents allant jusqu’à provoquer des pertes d’équilibre et des chutes, et de compenser la moindre angoisse par une boulimie, vous comprendrez une forte crainte pour ma santé mentale. Et j’ai eu une période un peu « down » comme on dit pudiquement. Grosso modo, je rentrais chez moi, je m’affalais dans le canapé pour jouer à la console et à pester contre le chat qui me snobait, enfin pas tout le temps, ce con voyait bien que parfois ça n’allait pas, alors il daignait venir m’octroyer un peu de tendresse. Puis j’ai eu ce déclic, cette renaissance, quand je suis passé sous la barre des 100 kilos (voir mon article 99,8, publié le 24/06/12  pour ceux qui ne l’on pas encore fait).

S’ en est suivi une période un peu euphorique où je me suis vraiment éclaté à profiter de la vie et de ses plaisirs. Peut être même un peu trop, mais que voulez vous, j’ai toujours eu du mal à me fixer des limites. Rapport à ma personnalité qui était aussi « généreuse » que mes formes. Je ne regrette rien, la vie est faite pour être vécue, mais j’ai tout de même fait quelques erreurs de jugement.

À cette période euphorique a succédé une période de grosses galères. En fait, des galères qui, prises séparément, sont des galères somme toutes banales. Mais il y a eu une belle accumulation de ces galères, plus encore une grosse erreur de jugement, et un point d’orgue avec ce moment où il a fallu prendre la dure décision d’euthanasier le chat. Ceux qui m’ont fréquenté ce week-end là savent qu’il n’a pas fallu me chercher, j’ai vraiment pété la soupape de sécurité et je me suis vraiment senti pas bien du tout.

Et puis j’ai réalisé une chose. Oui, j’ai été un gros con sur ces quelques semaines. Je n’y peux rien changer, on ne peut pas changer le passé. Faut faire avec, du mieux qu’on peut, essayer de réparer ce qui est réparable, vivre avec le reste, faisant en sorte que ça reste dans un coin sans le laisser pourrir et sans le laisser nous pourrir non plus, pour se rappeler de ce que l’on a pu être et s’en servir pour être une meilleure personne.

Oui j’ai été GROS. Les gens se sont moqués de moi ou m’ont blessé avec de la fausse bienveillance à deux balles. Je n’y peux rien changer, on ne peut pas changer le passé. Ça laisse des blessures indélébiles mais faut faire avec, du mieux qu’on peut, essayer de réparer ce qui est réparable, vivre avec le reste, faisant en sorte que ça reste dans un coin sans le laisser pourrir et sans le laisser nous pourrir non plus, pour se rappeler de ce que l’on a pu être et s’en servir…

Avoir maigri ne fait pas de moi une meilleure personne, ce que j’ai raconté un peu plus haut démontre bien le contraire. Par contre, avoir maigri fait de moi une personne différente, qui n’a plus du tout les mêmes mécanismes de défense. Je suis encore en galère contre des moulins ? Je ne vais pas m’empiffrer en me lamentant, ça n’arrangera rien, je le sais déjà. Je ne vais pas non plus sombrer dans un optimisme aveugle et penser que de toute façon, ça ne peut pas être pire, parce que si, ça peut toujours être pire. Mais je suis mieux armé pour affronter tout ça, Alors je garde le moral, au moins la vie paraît moins triste, même si je reste réaliste. Je n’ai plus ce déficit d’estime de soi qui me hantait et qui me paralysait à la moindre action à entreprendre. Du moins ce déficit est beaucoup moins grand et le vrai travail que j’ai à mener, c’est de continuer à le diminuer jusqu’à trouver mon équilibre.

Je ne sais pas si je vais continuer à tenir ce GROS journal. Il a été une vraie béquille, il m’a aidé à me tenir debout pendant plus d’un an (j’ai commencé à le publier bien après son ouverture en novembre 2011) et je sais que je peux marcher sans cet appui aujourd’hui. Ça ne veut pas dire qu’un jour je ne vais pas me casser la gueule et que je n’aurai pas besoin d’aide pour me relever. Gros ou maigre, il n’y a aucune raison de penser que l’on restera éternellement par terre : le chemin est parfois long, toujours difficile mais notre apparence n’est plus un obstacle dès que l’on sait que l’on peut marcher la tête haute. Il m’a fallu une opération pour le comprendre. Peut être que ce journal permettra à d’autre de s’en rendre compte et leur permettra de trouver leur béquille pour se relever et avancer.