Publié le 28/12/2011
Et voilà, c’est fait, depuis un peu plus de 3 semaines. Non, vous ne rêvez pas, j’ai perdu un peu plus de 14 kilos, presque 3 packs de 12 ! Oui, c’est énorme. Mais c’est un petit peu normal, soit dit en passant. Opéré le mardi, donc rien mangé du lundi soir au vendredi matin. Et la reprise ne s’est faite que par du thé, du bouillon et de l’eau. On est bien loin des repas que je me faisais avant, c’est clair. De toute façon, je n’aurais rien pu avaler. Donc 10 kilos rien que la première semaine. Trop facile ? Je voudrais bien vous y voir.
Déjà, il y a le stress de l’intervention. Ensuite, l’anesthésie, ça secoue pas mal, sans compter que je n’ai pas pu parler pendant 2 jours grâce aux dégâts de l’intubation et de la sonde naso-gastrique. Oui, j’ai dû supporter une sonde qui passait par le nez pour descendre l’estomac et qui aspirait tout ce qui s’y trouvait. Impossible de dormir avec ce truc, le moindre mouvement est sensible et votre gorge est tellement irritée que vous vous réveillez à chaque fois que vous avalez votre salive. Sympa quand on est HS à cause des poisons qu’on vous a filés pour dormir. Et il y a les perfusions, on m’a piqué tellement de fois qu’à la fin je n’avais plus une veine de disponible, la joie. Alors, toujours aussi facile ?
Soyons un peu technique pour ceux que ça intéresse, ça va donner un petit côté Grey’s Anatomy à mon récit, les blondasses en moins. Sans ouvrir mais sous coelioscopie, c’est à dire en introduisant des pinces dans mon ventre, le chirurgien a agrafé une partie de mon estomac pour créer une poche d’environ 25 centilitres. Mon estomac complet faisait entre 1 et 2 litres quand même. Les aliments arrivent dans cette poche, descendent dans un bout d’intestin qui a été greffé là et c’est parti mon kiki. On appelle ça aussi la chirurgie de la mal-absorption, parce que les aliments transitent super rapidement dans le corps. Le contrecoup, c’est la prise quotidienne de vitamines pour éviter les carences. L’autre contrecoup, c’est, excusez moi, la chiasse. Bon encore, je suis pas trop touché, un des médicaments que je prends constipe, ça me préserve un peu, mais je vous le dis, vaut mieux que je vous épargne certains détails. Toujours aussi facile la perte de poids ?
Parce que ce n’est pas fini. Déjà, la première semaine de reprise d’alimentation, je ne me suis nourri que d’aliments moulinés. Comme un bébé. Dans les mêmes proportions d’ailleurs. Imaginez le choc psychologique. Deux jours avant l’opération, je me faisais mon entrecôte de chez le boucher du coin, tendre comme du beurre, avec un peu d’échalotes et un petit pinard dégotté chez mon caviste, sans vous parler des frites maison et du dessert acheté chez le pâtissier.
La semaine dernière ma femme a fait un hachis parmentier. J’ai dû le mouliner, ce qui, visuellement n’est pas appétissant. Quand j’ai eu mangé quelques bouchées de cette purée, j’ai senti que j’avais pris celle de trop par une sorte de crampe. Bon, ça passe au bout de quelques minutes, mais il en reste dans l’assiette, d’où une impression de ne rien avoir avalé. Limite déprimant. Mais la morphologie de mon système digestif est si radicalement changée qu’il n’y a pas le choix, faut s’adapter. Il existe des cas de suicides chez des personnes opérées du bypass, des patients chez qui le choc a été trop rude. Même un verre d’eau, il faut y aller doucement pour le boire, sous peine de douleurs.
Cette adaptation, je m’y suis fait. Déjà parce que je n’ai plus à tout passer à la moulinette et visuellement, c’est plus agréable. Mais les quantités sont toujours aussi petites : un steak haché me fait deux repas, ce qui ne me chagrine pas du tout, car je n’arriverai pas à le manger en entier, ça ne passerait pas. Par contre, ma perception du goût a changé, je savoure beaucoup plus ce que je mange. Par exemple, j’ai eu des chocolats pour noël. Un chocolat, je suis obligé de le manger en plusieurs bouchées et je le substitue à un dessert pour ne pas faire un trop gros apport en sucre, mais, putain de sa race, qu’est- ce que c’est bon ! Avant, je l’aurais englouti, voire plusieurs à la suite, sans les savourer aucunement. Bref, je mange peu, mais tout ce que je peux manger me paraît si délicieux que du coup, je me fous que ce soit en petites quantités. Au réveillon de noël, j’ai ainsi pu manger une petite tranche de saumon, une miette de pain avec un petit peu de foie gras, deux bouchée de dinde et une de farce avec quatre haricots verts. Le bonheur. Pas tenté d’en prendre plus. D’ailleurs, les tentations, j’en ai peu. J’ai survécu à ce que je considérais comme une épreuve, voir quelqu’un manger un mc do. Même pas mal, car je savais que de toute façon, je n’arriverai pas à finir un sandwich, donc ça ne m’a pas fait envie.
Le seul truc dur au final, c’est la soif. J’ai tout le temps soif, mais pas forcément la place pour de l’eau dans mon corps. Et si je force, crampe, douleur… Donc j’attends patiemment d’avoir de la place. Le petit plaisir, c’est un verre de jus d’orange le matin avec mes médicaments, ou un verre de jus de fruit dans la journée. Voir un thé, pour accompagner mon goûter.
Mais il existe un seul et unique truc qui me fait vraiment envie et qui m’est strictement interdit pour l’instant, pour lequel je me damnerai, quitte à avoir des
douleurs pas possibles à supporter. C’est la seule tentation que j’ai eu tout le long du réveillon et dont je rêve parfois la nuit, qui me poursuit à la limite de l’obsession et que j’ai hâte de pouvoir ingurgiter. Mon Graal postopératoire en quelque sorte : Malgré toutes les privations que je peux endurer, malgré tout le travail que j’ai réussi à faire sur les quantités de nourriture, malgré toutes les difficultés que j’ai pu rencontrer et que j’apprends à surmonter, je n’ai pas honte de l’avouer, il me reste une épreuve à laquelle je dois résister , mon envie de boire un verre d’eau gazeuse !