Publié le 24/06/12
Ce matin, aucun lapin n’a tué de chasseur. Par contre, j’ai rencontré la diététicienne de l’HEGP, où je me suis fait opéré il y a maintenant 6 mois. Ce matin, comme toutes les semaines depuis 6 mois et comme avant chaque visite à l’hôpital, je me suis pesé. 100,2 m’a dit la balance. Un peu déçu de ne pas être sous les 100, ça aurait été un beau symbole, mais bon, ce n’est pas grave, j’y suis presque et après un si joli parcours, je n’allais pas me mettre la rate au court bouillon pour 200 grammes.
J’ai donc pris mon RER, du Hooverphonic dans les oreilles en pensant à la journée qui m’attendait : patienter parce que la diet aurait du retard, me faire engueuler parce que je ne prends pas mon traitement assez régulièrement, reprendre mon RER dans l’autre sens pour aller au boulot et patienter toute la journée pour aller au concert de la Fête de la musique des Fatals Picards. Et rien ne s’est passé comme prévu. Enfin si, elle a eu du retard et j’ai été bosser.
Même pas fait gronder, juste un peu sermonné, « vos analyses sont bonnes, c’est grâce au traitement alors faut continuer comme ça ». Et puis j’ai dû monter sur la balance. Je lui avais donné le résultat du matin, mais elle a insisté, alors après tout, si ça lui faisait plaisir, c’est son métier, allons-y.
Je n’en suis pas revenu. Comme une claque dans la gueule. 99,8 m’sieurs dames. Oui oui. J’ai même pris une photo. Ça l’a amusé. « ça faisait longtemps que vous n’aviez pas fait ce poids-là ? ». Je ne me souviens même pas de la dernière fois que j’ai vu mon poids sous les 100 kg. « C’est bien, un peu rapide, mais vu que vous vous sentez bien, ça va ».
Oh putain que oui je me sens bien. Des petits désagréments, un peu de goutte, des calculs rénaux, une sensation de froid terrible (j’ai parfois si froid aux mains que même en plein mois de juin je songe à acheter des gants) mais oui que je me sens bien. Je me suis racheté des fringues car croyez-moi, les choix sont beaucoup plus variés en 2xl que en 6xl. J’ai repris le sport à raison de 2 séances par semaine pour faire du cardio et tonifier un peu le haut du corps et je n’ai aucune difficulté à faire mes abdos ni mes gainages, je pense pouvoir me remettre à courir de façon pérenne d’ici la rentrée. J’ai repris une confiance terrible en moi, parce que je n’ai plus une image détériorée de mon corps, ce qui me permet de faire des choses que je n’aurais jamais soupçonnées. Et surtout, je savoure tout ça, parce que je me souviens d’où je viens.
Je ne me suis jamais vu vieux. Vous savez quand on est petit, on fait plein de plans sur la comète, on se dit qu’on sera aventurier dans la jungle, pilote pour la NASA ou encore cadre financier avec le pavillon de banlieue, le monospace et le labrador. Moi, non. J’ai toujours pensé que je mourrais à 35 ans. Comment, je ne savais pas, mais je ne me voyais aucun avenir passé cet âge. Oui, aujourd’hui, Pierre DUPUIS est mort à 35 ans, ce 21 juin 2012 aux alentours de 10 h du matin. Ça s’est passé dans un fauteuil d’un recoin du 5ème étage de l’HEGP, près des secrétariats du service de chirurgie digestive. Ça s’est passé alors qu’il partageait par MMS avec les gens qui comptent pour lui la photo d’une balance indiquant 99,8. Crise cardiaque ? Non. Crise de larmes. Larmes d’un bonheur immense qui, quelques jours après me bouleversent encore, alors que j’écris ces lignes.
N’envoyez ni fleurs ni couronnes. Je n’ai rien contre les chèques, surtout s’il y a plusieurs 0. Il n’y aura pas d’enterrement. La seule célébration sera la vie qui s’ouvre à moi.