Nous sommes attablés à la terrasse de ce café depuis une heure bientôt et notre conversation n’a encore jamais perdu en intensité. Mais tout autant que par tes paroles, je suis captivé par tes yeux. Enfin non. Parce que, finalement, des yeux, tout le monde en a, ou presque. Parce que, finalement, des yeux, ce n’est que de l’eau, des couches de gélatine, quelques muscles et un peu de mélanine. Parce que, finalement, des yeux, sortis de leur contexte, ça serait même plutôt écœurant, voire effrayant, hormis pour les quelques scientifiques qui veulent étudier le sujet.

Non, ce qui me captive, c’est ton regard, infernal et divin, la façon dont tu le poses sur moi.

Je le vois briller, quand je t’évoque mes activités altruistes, ce besoin vital d’aider les autres.

Je le vois vibrer, quand tu me parles de ton projet, pierre angulaire pour parvenir à te réaliser.

Je le vois étinceler, quand nous abordons notre passion commune et dévorante pour les mots et cet exercice délicat de les coucher sur le papier.

Je le vois se voiler, empreint d’une grande sensibilité, de fêlures que tu ne parviens pas à me cacher malgré la carapace que tu as su ériger.

Je le vois se dérober, quand le feu empourpre le si joli visage que tu me présentes et que je complimente.

Je le vois s’illuminer, quand par un mouvement faussement accidentel, mon genou vient délicatement frôler le tien.

Je le vois s’embraser, quand après un long silence, alors que nos doigts s’entremêlent discrètement sous la table, tu me proclames que tu as envie de moi.

Je ne le vois plus, les yeux mi-clos, quand dans un recoin je t’ai attiré et que nos lèvres se prodiguent, la morsure et le baiser