Photo ©Anselme Texte publié pour l’atelier d’écriture du site Bric à Book du 2 janvier 2017.

Sylvestre Ier est un pape mort un 31 décembre, un des premiers saints canonisés sans avoir été martyr. C’est une information qu’il a apprise lors du petit déjeuner ce 31 décembre, dans le gîte occupé depuis la veille avec ses amis. Depuis quelques années, ils reviennent dans ce lieu, propriété de la tante d’un des larrons située à l’orée d’un bois, en marge d’un petit village de province. Composé de plusieurs cabanons, la salle principale du lieu, nommée Sylvestre, possède une grande baie vitrée, ouvrant sur une terrasse offrant une vue dégagée sur un pré, orné de « l’arbre qui cache la forêt » comme ils aiment l’appeler depuis leur première visite.

Malgré le froid mordant ses mains déjà glacées qui cramponnent un mug rempli de café, Pierre se tient devant le paysage, admirant les volutes de brume que le soleil tente peu à peu de dissiper. Un groupe a fait les courses avant d’arriver et tous s’attèleront à préparer le réveillon d’ici quelques heures, qui à cuisiner, qui à préparer la décoration de la salle. En attendant, chacun profite du calme à sa manière. Lui fait un bilan de l’année écoulée, des joies, des peines, des projets qui suivent leur cours, de ce dont il a dû faire le deuil. Il est perdu dans ses pensées quand il sent sa bien-aimée qui vient se coller tout contre lui. La chaleur qu’il ressent dans son dos lui rappelle à quel point le froid l’agresse, au point de lui provoquer au niveau de ses doigts engourdis une douleur sourde qui l’habite des hivers entiers.

Il lui sourit, même si elle ne peut pas voir son visage tel qu’elle est placée. Le soleil perce de plus en plus, mais ne réchauffe en rien l’atmosphère. Les météorologues n’arrivent pas à expliquer cette vague de froid qui touche, à divers degrés, le monde entier. Avec elle contre-lui, il se sent plus fort, qu’importe si les derniers temps ont été un peu plus difficile, il sait qu’ils les ont dépassés et qu’ils en dépasseront encore. Du moins, c’est ce qu’il croit. Car, il ne le sait pas encore, précisément une heure après qu’ils se soient embrassés fougueusement et que chacun ait échangé ses bons vœux avec ses voisins, soit à minuit heure de Greenwich, toute vie va s’arrêter.

Grande lumière et vague de chaleur façon bombe thermonucléaire ? Rayon laser destructeur venant d’une puissance extra-terrestre ? Nature qui reprend ses droits par la mutation d’un virus foudroyant ? Ou ce froid qui fera descendre la température de façon instantanément vertigineuse… Qu’importe. Plus personne ne sera là pour en témoigner de toute façon. Il sera saoul et ne se rendra même pas compte de ce qui arrive, personne ne s’en rendra compte.

« Tu vas attraper un rhume mon chéri, tu ne veux pas rentrer ? »

Pierre pose un dernier regard sur le paysage, il veut s’en imprégner avant de vraiment démarrer la journée. Le pré. L’arbre. La forêt. La brume qui s’éclaircit. L’herbe qui a blanchi par la rosée gelée. Il inspire une grande goulée et l’air glacé emplit ses poumons. Il profite de la nature.

« J’arrive. »

Il reste seul encore un court instant, dans ses pensées. Il espère que se sera à nouveau une bonne année.