Photo ©Vincent Héquet Texte publié pour l’atelier d’écriture du site Bric à Book du 4 septembre 2017.

 

Il faut parfois s’y résigner : tout effacer et recommencer. C’est chiant, avouons-le, mais c’est un mal nécessaire. Ils sont devenus trop cons, trop imbus d’eux-mêmes, ne se rendant plus compte des conséquences de leurs actes. Vous me direz, j’ai bien senti, il y a une grosse centaine d’années de leur espace-temps, donc il y a quelques heures pour moi, que ça partait en cacahuète.

Au départ, ils se foutaient juste un peu sur la tronche, comme tous les gosses en fait, mais c’était surtout pour un bout de territoire ou une histoire de fesses qui avait mal tourné. Certains l’on fait en mon nom. Oui parce qu’ils se sont inventé toute une histoire à mon propos, comme quoi je les aurais créés à mon image, un homme puis une femme et un truc chelou avec un serpent que j’ai jamais trop bien compris. Alors qu’en fait, j’ai pris un big bang d’herbe, j’ai jeté une idée sur le papier, j’ai été me chercher une bière dans le frigo et quand je suis revenu, il y avait des dinosaures. J’ai laissé faire, ça me faisait me marrer que tout ça prenne vie à partir d’un délire, et ils sont apparus dans un coin du tableau. En fait, ils se sont inventé plein d’histoires à ce sujet, quelques-unes cocasses, d’autres un peu terrifiantes, mais dont le message originel a été détourné par la suite. Ils ont appelé ça les religions.

Donc, je disais, au début c’était plutôt marrant, en plus, ils ont fait des trucs sympa, théorisé deux trois concepts de pensée, inventés des machines. Tous n’étaient pas parfaits, mais dans l’ensemble, ça allait. C’est quand ils ont commencé à industrialiser la guerre que j’ai commencé à me poser des questions. Y’ en a un qui a banalisé l’extermination de masse sous couvert qu’ils auraient été d’une autre religion, un autre encore parce qu’ils ne pensaient pas politiquement comme lui. Cette excuse a fait beaucoup de dégâts d’ailleurs. Puis ils sont devenus fous à propos de l’argent, certains en accumulant toujours plus à ne plus savoir qu’en faire, d’autres crevant de misère à ne pas pouvoir manger. J’ai décidé de tout arrêter avant qu’il n’y en ait deux, des grands mégalomanes aux coupes de cheveux atroces, qui appuient respectivement sur le bouton déclenchant le feu nucléaire.

Si j’avais laissé faire, ils auraient provoqué des dégâts considérables, je n’aurais plus rien pu faire pour rattraper leur connerie. Du coup, je les ai effacés d’un coup de gomme. C’est cruel pour les innocents, mais au moins, avec un bon coup de nettoyage, des nouveaux réapparaitront peut-être. Et j’essayerai de les guider un peu, pour voir ce que ça donne. En attendant, faut que je me mette au ménage. Ils ont même foutu des objets à eux sur des arbres, en plein milieu de la nature, alors qu’il y a une vue superbe sur une vallée et un fleuve paisible. Tiens, ça bouge déjà de l’autre côté. Allons voir ce que ça donne…

Lire les autres textes http://www.bricabook.fr/2017/09/leveilleur-de-lhydre-atelier-decriture/