Atelier d’écriture du lundi 19 septembre 2022

Rappel des « règles » de l’atelier

Le texte lu :

Dingley, l’illustre écrivain, Jean Tharaud & Jérôme Tharaud (Goncourt – Général – 1906)

Le roman met en scène la guerre du Transvaal. D’après Lourdes Rubiales, de l’université de Cadix, le personnage de Dingley, que les auteurs opposent à sa femme d’origine française, est inspiré de Rudyard Kipling, « illustre écrivain » que les Tharaud attaquent très durement en même temps que la politique coloniale anglaise et, plus généralement, l’Angleterre victorienne et l’esprit anglo-saxon.
Cela n’empêche pas, par ailleurs, une forme de sympathie pour l’homme de lettres qui trahit, selon l’universitaire, « une sorte de frustration devant l’inexistence, en France, d’un auteur qui puisse lui être comparé ».

Thèmes proposés :

Jean et Jérôme étant des pseudonymes, THARAUD étant leur vrai nom :

  • Imaginer quelqu’un qui a un « troupeau » à mener, sans se dévoiler, de façon cachée,
  • un rebelle suit quelqu’un de caché, qu’il n’aurait pas suivi sinon.

Mon manuscrit produit lors de l’atelier :


Mon texte :

Dékalicator

Note avant lecture : je n’ai pas eu assez de temps lors de l’atelier pour terminer mon texte ; ainsi, toute la partie en italique à la fin de cette nouvelle a été rédigée lors de la mise en ligne de l’article sur le blog.

« Tu me casses les #@ !§, de toute façon, t’es qu’un boomer, tu ne piges rien à rien. Au moins, avec Dékalicator, je peux parler, elle, elle me comprend ! »

– bruit de porte qui claque —

Charles est las de cette situation qui se répète sans cesse, quel que soit le sujet de conversation, mais il sait que le dialogue est rompu. Il n’insiste pas ; il respire, lentement et profondément, comme il a appris à le faire à l’atelier de soutien pour parents en difficulté. Il a perdu sa femme, il ne veut pas aussi perdre son fils.

Pierre se réfugie dans son antre. Seule sa mère avait le droit d’y pénétrer, et encore, c’était pour déposer le linge propre sur le lit. Depuis qu’elle les a abandonnés son père et lui, il fait de l’eczéma, alors avec une lessive différente, l’odeur de ses habits a changé. Tout a changé, et il en veut à la terre entière pour tout. Parce qu’au fond de lui, il s’est persuadé que ce départ est de sa faute. Ainsi il s’en veut, au point que parfois ça devienne tellement insupportable qu’il s’en prend à son paternel.

Il a besoin de décompresser. Machinalement, Pierre s’assied devant son ordinateur et double clique sur l’icône de son passe-temps favori : un jeu de rôle massivement multijoueur. Il y incarne un nécromancien qui soigne ses alliés en puisant les restes d’énergie vitale des morts. Pour progresser, il a intégré une guilde et avec ses amis virtuels, il mène des raids contre d’autres guildes afin de récupérer des récompenses.

C’est comme ça qu’il a rencontré Delphine, AKA Dékalicator, un guerrier nain de la confrérie. Novice dans le jeu, elle était venue lui demander des conseils par message privé pour mieux maîtriser son personnage et ils ont sympathisé. C’est une mère de famille de 45 ans qui jouait à Donjon et Dragons dans sa jeunesse et qui s’est mise au goût du jour. Souvent, quand il ne se sent pas bien, il se confie à elle, leur discussion l’apaise. Et là, il ressent le besoin de lui parler, mais le jeu ne démarre pas.

Pierre identifie un problème de connexion Internet. Ça le saoule, mais pas le choix, il va devoir retourner dans le salon pour relancer la box, au risque d’y croiser son daron. Il ouvre la porte. Il aperçoit son père en train de finir de ranger la cuisine ; ouf, il n’aura pas à lui parler. Il traverse la pièce, éteint puis rallume le modem puis fait demi-tour sans demander son reste. C’est alors que son cœur s’arrête. L’ordinateur de Charles est posé sur la table. L’écran affiche la page titre de SON jeu. L’adolescent éprouve de la colère monter en lui, il se sent dépossédé de la dernière chose qui ne lui appartenait qu’à lui, son nid douillet où se plonger pour se réconforter. Il veut hurler lorsque le moniteur, à la faveur du retour de la connexion, passe sur la page des personnages.

« MAIS P%ù#@N ! C’EST QUOI CE BORDEL ? »

Pierre a immédiatement reconnu le nain avec qui il a partagé tant de choses et compris que son père a pris une fausse identité virtuelle pour le tromper. Il se sent humilié, trahi. Charles, qui vient de voir son subterfuge éventé, bafoue « Laisse-moi t’expliquer », mais son fils, rouge de fureur et les yeux injectés de sang, le noie dans un torrent d’insultes, saisit l’ordinateur et le jette contre un mur.

– bruit de porte qui claque —

Cela fait maintenant une semaine que Pierre a fugué.