Photo © Samuel Zeller
Texte publié pour l’atelier d’écriture #337 du site Bric à Book ; vous y retrouverez ce texte, ainsi que les autres participations, le 26 août 2019.
Ils n’étaient plus que des traces, le souvenir d’ombres floues qui auraient un jour hanté des paysages brumeux redevenus vierges de leur présence. Combien avaient pourtant occupé ces lieux, avaient foulé du pied cette jetée, avaient glissé sur ces rochers ? Nul ne peut le savoir, nul ne le saura sans doute jamais. Ils auraient pû être immortels grâce à leur culture et leur histoire, mais ils ont voulu l’être en utilisant leur science et leur technologie ; ils ont voulu défier les lois de la nature qui les a voulus individuellement de passage, ils ont collectivement perdu et se sont retrouvés progressivement effacés de la planète.
Tout a basculé dans ce que leur calendrier, un outil inventé pour mesurer le temps, quelle futilité, définissait comme étant le dimanche 25 août 2019, à 16h47 précisément. Un attentat avait décimé leurs dirigeants, du moins ceux qui se pensaient les plus importants. Une action fomentée par la cupidité d’un malade mental ; il possédait à lui seul plus de monnaie, un concept qu’ils avaient inventé pour réguler leurs échanges, que la plupart des autres humains. Quand certains raisonnaient en termes de partage, il voulait toujours plus de tout, quand d’autres devaient fouiller dans les détritus afin de pouvoir se nourrir. Il pensait, en vertu de sa manne, être légitime pour contrôler le monde.
En réponse à sa folie, le chaos s’était déchainé : par la dispersion d’éléments radioactifs et biologiques tout autour du globe, ils s’étaient entretués jusqu’au dernier. Pour les plus chanceux, le glas n’avait duré qu’un instant, sans prévenir, sans même s’en rendre compte. Ceux qui, par mégalomanie sans doute, pensaient qu’ils pouvaient survivre, avaient fini par s’éteindre, généralement isolés et souffreteux. Ils avaient voulu contrôler les éléments qui leur permettaient de vivre, ils les avaient viciés jusqu’à en crever.
Il avait fallu du temps, mais la nature avait pris le temps de panser ses plaies. L’eau avait retrouvé sa pureté, le brouillard n’était plus dû qu’à une différence de températures entre le sol à nouveau fertile et l’air qui n’était plus pollué. Ils n’étaient plus que des traces, le souvenir d’ombres floues qui auraient un jour hanté des paysages brumeux, dont seuls quelques reliques pourraient attester qu’ils avaient été un jour de passage.